lundi 7 mai 2007

6 mai 2012, en France...

Le 6 mai 2012, quelque part en France...

L'idée étair évidemment d'imaginer la France de Sarkozy, après, allez, soyons optimistes ! un mandat : banlieues karcherisées, culture didierbarbeliviennisée, l'audiovisuel au pas, la sécu morte et enterrée, et une France qui se lève tôt pour travailler plus sans gagner plus...
ça vous plaît ?

Scénario proposé par Gaël, qui avait précisé que les pro-Sarko ont le droit de décrire un monde riant et ensoleillé...

Ce n'est pas ce que vous avez fait. Vous serez doc dûment fichés dans l’application informatique ELOI. On vous avait prévenus...


Avec lui le déluge

Quarante jours qu’il pleut sur mon maïs transgénique. C’est bien simple, depuis que le roi de la république a été réélu pour la troisième fois, il pleut. Il pleuvait déjà le soir de sa victoire, sur le podium dressé place de la Concorde, il pleuvait sur tata Mireille, toujours en vie grâce aux miracles de la science transgénique, il pleuvait aussi sur Johnny, venu exprès de sa république bananière avec ses lunettes de presbyte myope, et Bigard était toujours aussi pas marrant, alors sous la pluie, arrêtez moi tout ça.

On est trois dans ma commune à avoir voté à gauche, et ça se sait grâce aux prouesses du vote électronique, la machine reste bloquée au moins une heure dès qu’on vote pas pour l’autre. Mais de toute façon, ça fait rien, on ne s’en cache pas, Arlette, José et moi, on n’est pas mis au ban pour ça même si on considère que nous fréquenter peut porter la poisse et que dans les fêtes de village, on évite désormais de s’asseoir à côté de nous. Le candidat du NPS, nouveau parti sociétal, avait pour candidat un gars qui paraît-il a été recruté à la star ac ou à la ferme, quelque chose du genre, c’est les mauvaises langues qui disent ça. Il fallait plaire aux foules, de plus en plus pénétrées par la science people, alors pour le programme, on verrait après. Son ancienne candidate au NPS, Ségolène Royal, était morte mystérieusement étouffée par un toast au cours d’un banquet organisé avec les vioques d’avant qui, depuis, de toute façon, sont tous rentrés au gouvernement de Jamais sans moi (ou alors c’est qu’ils sont morts). C’est fou le monde qu’il y a dans ce gouvernement, il paraît que quand il y a un conseil des ministres, c’est les chaises musicales et que les plus jeunes n’ont aucune pitié des vieux.

J’ai voté pour ce gars, du NPS, parce que je suis poli, je ne vote pas pour les rois, c’est comme ça, mais j’aurais pu aussi bien voter pour une de mes vaches.

Depuis que le roi dirige ce pays, on cotise pour la sécu mais on n’a plus le droit aux remboursements, vu qu’il paraît que ça responsabilise les gens. On plante du maïs truqué, on a toutes les chaînes qu’on veut à la télé mais dès qu’une commence à être un peu intéressante, son responsable est viré. Tout le monde est obsédé par les étrangers clandestins, même si ici, le seul étranger c’est un Parisien qui a fuit la capitale car il en avait marre d’être réveillé au clairon tous les matins. Ici, c’est le coq qui le réveille mais un coq, c’est innocent et ça finit vite dans une casserole, pas comme un patron. Avec tout ça, les gens continuent de voter massivement pour Jamais sans moi, et j’espère juste que sur son yacht, il est devenu accro à la marine, il se paye un temps au moins aussi pourri qu’ici.

Ce matin, Rosine, une de mes vaches préférées, m’a demandé ce que signifiait au juste l’expression, « les Français sont des veaux ». Elle était très blessée qu’on qualifie ainsi les habitants de ce pays du nom de son petit, parce qu’elle sentait bien que ce n’était pas très gentil comme dénomination. J’ai rougi, malgré que j’ai la peau dure et vieillie, et j’ai essayé de lui expliquer. Mais plus je lui expliquais, plus je m’enferrais et plus elle était mortifiée. A la fin, elle m’a dit :

- Arrête Bernard, déjà quand t’étais ministre c’était cafouilleux, mais là ça devient absurde… je vois bien que tu es malheureux, tu y as cru dans la nouvelle ère, comme tous ces « veaux », et là, tu vois bien que les recettes d’une présidence imaginaire, c’est des vessies pour des lanternes, alors ce que je te propose, c’est que je sois candidate pour 2017, j’aurais tout juste 52 ans, c’est le bon âge pour être la reine des vaches non ?

Depuis, avec Rosine, on prépare à fond 2017. Mais il pleut toujours autant, on en est qu’il faut surtout construire une arche, plutôt que de s’occuper de conneries comme les présidentielles. Et je vous le donne en mille, l’autre, cet enfant de salaud, et son équipe de parvenus, ils ont leur yacht comme avant on avait son abri nucléaire. Malgré tout, les autres, ils continuent de croire en lui, comme quoi c’est un gars bien, honnête, le cœur sur la main et proche du peuple. Alors c’est pas gagné pour ma Rosine, pourtant si proche, de par sa nature vache, de mes concitoyens.

Marie Chotek


Harry Christ-Mass

Le communiqué de presse vient d’aboutir dans les boîtes à lettres électroniques de tous les organes d’information que compte le monde chrétien. Il est lapidaire ; à l’heure de la turbo-information, il faut faire court. La missive est signée par Harry Christ-mass, de son vrai nom Eugène Panouille, fondateur de l’Eglise des Dimanchistes : « Noël tombant un dimanche cette année, notre mouvement demande à tous ses fidèles de fêter la naissance de Jésus le 23 décembre ». Il serait vain d’en dire davantage tant la notoriété du gourou et de son discours est grande désormais. En quinze ans les Dimanchistes ont supplanté toutes les obédiences, petites et grandes, du christianisme, aidé en cela par des circonstances socio-économiques des plus favorables.
Tout avait officiellement commencé en France au mois de décembre 2005 lors des festivités commémorant le centenaire de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Issu d’une ancestrale famille protestante ayant eu à souffrir en son temps des dragonnades royales, Eugène Panouille sentit que cet anniversaire était le moment le plus propice à rassembler ceux pour qui l’affirmation d’une laïcité grandiloquente et à leurs yeux intransigeante devait enfin être rappelé, celle du renouveau de la religion chrétienne. Il lança donc, sous les quolibets des incrédules, sa nouvelle église, une de plus en cette époque de déboussolement général. D’emblée, on le railla de toute part. Bien vite on se rendit à l’évidence : l’entreprise était sérieuse. Elle reposait sur l’idée, saugrenue dans sa seule apparence, que ses adeptes défendraient le principe du travail du dimanche, et exclusivement ce jour-là. C’est le grand Séguéla, désormais spécialisé dans le recyclage de vieux slogans, à commencer par les siens, qui orchestra la campagne publicitaire qu’il sentait être l’apothéose de sa carrière de marchand d’illusions. Il attaqua bille en tête : Eugène devait abandonner son patronyme par trop franchouillard pour adopter un nom plus en rapport avec une idée devant rapidement – il en était persuadé lui-même – déborder l’étroitesse des frontières hexagonales. Partout les affiches, encarts et spots fleurirent : « Harry Christ-Mass, la foi tranquille ».
C’est vrai qu’il est tranquille Eugène-Harry. Sa bonhomie souriante et toute naturelle, sa voix douce un peu traînante, son discours simple mais coloré firent aussitôt merveille. Il apparut tout de suite évident à beaucoup de ceux qui tombèrent sous le charme du rebaptisé que le dimanche devait être proclamé jour du labeur, le Seigneur étant ipso facto vénéré les six autres jours. On voyait mal le Très-Haut s’offusquer d’une telle inversion. Les Adventistes du septième jour, qui se reposent et prient Dieu le samedi depuis qu’ils découvrirent que le Créateur commença de façonner le monde un dimanche pour terminer le travail le vendredi suivant, furent les premiers à protester. Jusque-là, ils avaient le vent en poupe et pouvaient espérer prendre rapidement des parts du marché de la foi aux grandes et séculaires institutions chrétiennes. Le nouveau chantre venait ruiner leurs plans. Ils constatèrent vite que nombre de leurs propres ouailles les quittaient pour venir grossir les rangs déjà serrés des Dimanchistes. Les Eglises ayant pognon sur rue connurent le même sort. Des Juifs et des Musulmans se convertirent, aussi, peu nombreux au début car il y faut une bravoure à toute épreuve, moins timide par la suite tant la ferveur du nouveau mouvement devint contagieuse.
La vérité commande de dire que la foi retrouvée reçut le renfort d’un puissant allié incarné par l’éclatement des anciennes normes socio-économiques, notamment en matière de droit et conditions de travail. Les millions de chômeurs et précaires furent les premiers à être attirés par le discours protecteur et révolutionnaire. Tant pis si le patronat lui aussi, mais pour d’autres raisons, soutint le mouvement dès son origine. Les multitudes inorganisées ont depuis beau temps oublié la lutte des classes ; les syndicats les y ont un peu aidées, préférant tenter d’organiser les « vrais actifs ». Quel patron n’accueillerait pas comme du pain béni tous ces courageux travailleurs du dimanche. M. le Baron s’en félicita plus d’une fois devant les journalistes : « Les salariés sont beaucoup plus productifs le dimanche ». L’Europe de la précarité fut rapidement conquise par le dimanchisme. Puis ce fut le tour des Etats-Unis où, pourtant, le marché religieux est saturé et fort bien tenu. Là-bas aussi, des obédiences, et non des moindres, vacillèrent sous l’attrait du credo supposé futuriste. Dans toute la Chrétienté rénovée, d’énormes communautés se développèrent dans lesquelles on apprit à vivre chichement, à renoncer à la possession individuelle d’objets futiles, à faire soi-même ce que trop longtemps on avait abandonné à l’organisation marchande des activités humaines. « Le Capitalisme, c’est bon le dimanche » plaisante souvent Harry Christ-Mass, patron reconnu de la NIC (Nouvelle internationale chrétienne).
En cet automne 2020, le communiqué de la NIC suscita la réaction du Vatican. Le pape Jean-Marie 1er dénonça le sacrilège du déplacement du jour de Noël. On lui répondit que les travaux d’historiens éminents permettaient de penser que le Christ était plutôt né en été. Si ça se trouve, il faisait une canicule à passer au brumisateur tout le quatrième âge. C’est le mythe de l’âne et du bœuf soufflant sur le petit Jésus pour le réchauffer qui en prend un sacré coup ! Alors, on ne va pas chipoter sur une date hypothétique. L’essentiel est ailleurs. Mais où, au fait ? On ne le sait plus depuis longtemps.

Yann Fiévet


Émile ou de l'épuration

"Oyez, braves gens, l'Histoire déjà mouvementée du jeune Émile", aurait lancé jadis à la cantonade le chanteur de complaintes. À l'ère de la Starac et du JT de 20 heures il n'est plus guère de chanteurs de rue. Le peuple s'informe bien autrement du sort funeste des déshérités et de la veulerie coupable des nantis. On y perd en poésie ce que l'on y gagne en efficacité de la couverture mass-médiatique. Mais voici sans plus attendre la tragique aventure de notre Émile.
Émile est depuis quelques semaines élève d'une classe de Terminale littéraire dans un lycée de la banlieue sud de Paris. Il est Malien, facilement souriant, d'allure sportive et d'un calme olympien. Pourtant, il n'ose avouer à ses nouveaux copains d'école qu'il passe ses nuits dans un gymnase en compagnie d'un grand nombre de familles partageant cette précarité non choisie. Le gymnase de Cachan, tout le monde le connaît désormais grâce à la télé. Tout comme le squat du même nom. Mis dans la confidence, un CPE sympa mais un peu lourd apostropha un beau matin l'élève désireux de ne point être stigmatisé sitôt l'année scolaire entamée : "Ainsi, c'est toi l'Émile de Cachan dont nous cause Claire Chazal tous les soirs !" Il en a tant vu et entendu depuis trois ans que ses parents et leurs trois enfants désespèrent de trouver un logement plus confortable… La chaleur de sa nouvelle classe le réconforte. L'humanité vraie de son prof de philo le rassure. Il faudra que sans tarder il ose lui parler : il aime déjà la philosophie.
eux des copains d'Émile ont été expulsés avant la rentrée. Expulsés du squat bien sûr mais aussi de France. Chargés de force dans un avion, ils se sont envolés vers l'inconnu. La solidarité des habitants des communes et quartiers voisins n'a pu empêcher cette ignominie. Les nuits d'Émile sont agitées. La promiscuité de ce gymnase de fortune ne suffit pas à l'expliquer. Émile n'est pas certain de ne pas faire partie des élèves expulsables. Il a la trouille. Il veut passer son baccalauréat. Il sait que c'est dans ses cordes. Il est prêt à étudier Rousseau et tous les autres. Pourtant, la vie lui a déjà appris que, contrairement à ce que proclame le grand Jean-Jacques, l'Homme ne naît pas naturellement bon. "Émile ou de l'éducation" est un grand texte reposant sur une grande naïveté. L'Homme naît ni bon ni mauvais et des hommes bien éduqués peuvent s'avérer mauvais plus souvent qu'à leur tour. Émile veut étudier pour mieux comprendre ce qui l'indigne en ce monde. Face à certaines gesticulations ministérielles bien calculées il s'interroge gravement. Que signifient ces reproches appuyés aux juges rendant la justice dans des départements pauvres. Ils auraient, selon un homme politique bien éduqué, renoncés à punir la "racaille". Émile s'étonne que le ministre ne s'étonne jamais du laxisme des magistrats à propos de la délinquance en col blanc. Combien de non-lieux ou de peines infinitésimales pour tel ministre qui, entre deux maroquins, dispense des conseils à 600 000 francs (quinze années de loyers pour une famille modeste) à des patrons inquiets de l'impitoyable concurrence internationale ; pour l'épouse de l'ancien maire de Paris grassement rétribuée pour un rapport bidon sur la francophonie truffé de fautes d'orthographe (cela ne s'invente pas !) ; pour le clan Dominati truqueur d'élections dans la capitale. Émile comprend que la volonté populiste d'épurer la société française de ses tares supposées s'arrête là où commence la "République des copains".
L'année 2007 devrait être une année importante pour la France, les Français et ceux qui aiment y vivre. Un nouveau Président de la République sera élu. Pourtant, Émile craint qu'il ne soit que trop question d'immigration et d'insécurité pendant les mois qui nous séparent de l'échéance. Il voit déjà que nombre de candidats cherchent à être plus royalistes que Mme Royal. Il craint que la favorite des médias ne cède à la tentation d'être plus populiste que ses adversaires. L'éducation sera dramatiquement absente des débats en dehors du sempiternel couplet sur sa "priorité-nationale-on-vous-le-jure". Émile, lui, est bien persuadé que l'avenir de la France, de l'Europe et du Monde sera une affaire d'éducation et non une affaire d'épuration.

Yann Fiévet


Un nouveau monde parfait

Depuis cinq ans, les habitants des villes et des quartiers vivaient terrés chez eux, ne sortant très tôt le matin que pour aller travailler et ne rentrant très tard le soir dans leurs misérables appartements qui se fissuraient de plus en plus à cause de l’affaissement progressif des terrains sur lesquels ils étaient bâtis, que pour se coucher, le corps rompu par un travail intensif. Les villes et les quartiers étaient encerclés par des gardes mobiles armés jusqu’aux dents, qui avaient établi à l’aide de barbelés, de chiens féroces et de miradors, un couvre-feu des plus stricts. Personne n’avait le droit de sortir le soir. De toute façon, cinémas, théâtres, salles de concert et boîtes de nuit avaient été interdits par la loi, au prétexte qu’ils étaient des lieux de culture ou de débauche. Parfois les deux en même temps ! Si, par malheur, quelques jeunes gens rebelles ou aventureux se risquaient à montrer le bout de leur nez dans la rue et à défier ouvertement l’autorité gouvernementale, ils étaient immédiatement arrêtés et internés dans une structure militaire qui les mettait férocement au pas à coups de schlague et de brimades corporelles (lacérations du corps, piercing dans les organes génitaux, amputations diverses et variées), jusqu’à ce qu’ils deviennent dociles comme des agneaux. En quelques années, un programme systématique de « décervelage » de la population avait réduit le peuple, génétiquement vil et borné par nature d’après les dirigeants, à n’être plus qu’une masse amorphe incapable de penser par elle-même. Ce brillant résultat, qui faisait l’admiration des autres pays du monde, avait été obtenu avec l’aide bienveillante des médias (presse, télévision, Internet) qui se contentaient de relater des faits divers incongrus, des vies formatées de stars et des œuvres à l’eau de rose ne flattant que les plus bas instincts de la population. Il était donc strictement interdit depuis cinq ans de penser par soi-même. Cette activité subversive avait été éradiquée à coups d’autodafés et de répressions sanglantes. Les intellectuels avaient tous été décapités à la hache, en public, dans des stades chauffés à blanc, après des matchs oratoires d’une grande intensité. L’équipe jugée perdante par le public, pouces pointés vers le sol comme au temps des combats de gladiateurs, se voyait physiquement éliminée par des escadrons de la mort d’une férocité inouïe. Le spectacle haut en couleur était rythmé par des chants barbares, des sonneries stridentes, et des cris de haine qui se répercutaient jusqu’au ciel. Quant aux écrivains, de moins en moins nombreux, ils ne pouvaient utiliser qu’une centaine de mots anodins, préalablement soumis à la censure d’Etat. Ils ne devaient en aucun cas utiliser des concepts philosophiques ou moraux pour enrichir le contenu de leurs œuvres. C’était donc à celui qui écrirait les fadaises les plus sottes ou les plus extravagantes. De brillants Académiciens, à qui l’on faisait miroiter d’obscures récompenses et de non moins futiles décorations, se surpassèrent en ce domaine. Il y eut pléthore d’essais abscons et de romans ineptes qui finirent très vite au pilon, le peuple n’ayant plus le temps ni l’envie de lire. En effet, jours fériés et vacances avaient été supprimés pour que les gens ne cèdent pas à la tentation du farniente. Parlons enfin des travailleurs. Ils travaillaient, aussi bien dans les usines que dans les bureaux, enchaînés par les pieds à leur poste de travail, sans disposer d’une seule minute de repos, dix heures ou plus par jour, et sept jours par semaine, bien sûr, se nourrissant d’aliments liquides par intraveineuse et urinant dans des pipettes dissimulées sous leurs vêtements. Et ce, jusqu’à ce qu’ils s’effondrent de mort naturelle ou accidentelle, les retraites ayant été définitivement abolies car elles coûtaient trop cher à l’Etat, paraît-il. En fait, parce que l’oisiveté ne pouvait engendrer que le stupre et la luxure, d’après les gouvernants. De plus, les travailleurs n’avaient absolument pas le droit de se parler. Le mutisme le plus total était de rigueur dans la vie professionnelle, afin de museler toute velléité de rébellion. Malheur à celui qui lâchait par mégarde un mot, ne fut-ce qu’un simple juron, parce qu’il s’était pris la main dans un engrenage ou parce qu’il avait fait une faute de frappe sur son clavier d’ordinateur. Il s’exposait à de sévères brimades. En cas de récidive, la punition pouvait aller jusqu’à l’ablation pure et simple de la langue, sur son lieu de travail. Et ce, à vif, sans la moindre anesthésie ! Les travailleurs, du col blanc à l’OS, subissaient un environnement sonore constant qui dépassait les quatre-vingt dix décibels afin de les rendre progressivement sourds. Ils étaient donc condamnés à subir des sons aigus du matin au soir, qui finissaient à terme par leur user les tympans. Même la nuit, chez eux, dans l’intimité toute relative de leur chambre, ils subissaient sans relâche par des haut-parleurs encastrés dans les murs les chansons et les discours les plus ineptes qui soient. Et dès qu’ils commençaient à s’endormir, par un système ultra sophistiqué de détecteurs sensoriels, le son devenait automatiquement plus fort pour les tenir en éveil, le sommeil étant comme chacun sait source de rêves impurs et d’affabulations dangereuses pour la sécurité de l’Etat.
A ce rythme-là, la population devint très vite totalement décérébrée. Ce fut donc une époque terne mais heureuse, sans conflit ni rébellion d’aucune sorte. Au fronton de tous les bâtiments publics, privés, et militaires, fut inscrit la nouvelle devise de cette glorieuse civilisation : « Aux innocents les mains pleines et les poches vides ». Une forme de béatitude terrestre, née de la peur et de l’asservissement, s’installa partout, aussi bien dans les cœurs que dans les esprits. Un nouveau monde parfait s’instaura, en quelque sorte, bien que plus personne ne fût en mesure d’en prendre conscience. Cet état de léthargie dura jusqu’au jour où la Terre explosa en mille fragments à la suite d’une fausse manœuvre du Dirigeant qui régnait en maître sur le pays. Croyant, en effet, appuyer sur le bouton de son réveil – il aimait se lever tôt bien qu’il n’eût rien à faire de précis - il appuya par mégarde sur le bouton qui commandait l’arme nucléaire. Aussitôt les autres nations, alertées par des myriades de radars et de satellites espions, ripostèrent sans la moindre concertation entre elles. Un somptueux feu d’artifice embrasa notre planète. Le dernier signe de vie perçu par le peuple en fusion fut une chanson d’un autre âge, surgie d’on ne sait où : « Tout va très bien, madame la marquise ! » Quand tous les hauts parleurs et autres instruments de propagande furent détruits par les bombes à neutrons, un silence de mort s’installa définitivement sur ce qu’il restait de la Terre, c’est à dire quelques météorites éparpillées par la déflagration aux quatre coins de l’Univers. Sic transit gloria mundi !

François Teyssandier


2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

La personne qui a proposé cette contrainte est sûrement une gôchiste, une cômmuniste et une sôciale-feignasse. C'est à cause des gens comme vous que la France est un pays du Tiers-Monde maintenant.

9 mai 2007 à 09:45  
Anonymous Anonyme said...

C'est ben vraie, madame Michu!
Tony Blair

9 mai 2007 à 16:03  

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